L’Algérie ouvre en grand ses portes aux entreprises étrangères

Voici un article au contenu, me semble-t-il, fort intéressant dans la mesure où ce qui était pressenti depuis quelques années est vérifié : l’Algérie attire de plus en plus d’investisseurs étrangers malgré le contexte.

[Source : Article signé Jean-Pierre Tuquoi – Le Monde – 29/05/2007]

Les compagnies pétrolières ont longtemps été les seules à investir en Algérie. Ce n’est plus vrai. Entre 2000 et 2006, les investissements directs étrangers (IDE) ont été multipliés par six, et par dix si l’on fait abstraction des hydrocarbures, secteur-clé de l’économie. Entre 2005 et 2006, la hausse a été supérieure à 50 % pour atteindre 1,7 milliard de dollars. « La tendance ne s’est pas démentie au cours des premiers mois de l’année », souligne un fonctionnaire européen en poste à Alger. « Le nombre d’étrangers porteurs de projets et créateurs d’entreprises explose », affirme le ministre des finances, Mourad Medelci.

La conversion au libéralisme de l’Algérie, naguère chantre de l’économie socialiste, n’est pas étrangère à ce retournement. Avec la foi des nouveaux convertis, les autorités multiplient les signes d’ouverture, hormis dans le secteur des hydrocarbures. A l’image de ses voisins maghrébins, l’Algérie a signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE), en cours de mise en oeuvre. Et elle négocie son entrée à l’Organisation mondiale du commerce. « Ce n’est plus qu’une question de mois », assure le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem.

L’attrait de l’Algérie doit aussi à l’opulence financière du pays depuis l’envolée des cours du pétrole. Avec une dette extérieure insignifiante et 80 milliards de dollars de réserves en devises, l’Algérie fait mieux que… la France. Et personne ne croit à un retournement de tendance. « Dans cinq ans, l’Algérie aura engrangé 150 milliards de réserves », prédit l’ancien ministre des finances Ahmed Benbitour.

PRODUCTION LOCALE

De tous les pays qui courtisent l’Algérie, la France est le plus assidu. Soupçonnée – à tort – de frilosité, elle est le premier investisseur hors hydrocarbures avec un quart du total (et le second tous secteurs confondus). Ses points forts ? L’agroalimentaire avec Danone qui, présent dans les produits laitiers et les eaux minérales, vient d’ouvrir une biscuiterie dans la banlieue d’Alger. La pharmacie via Sanofi Aventis, qui a démarré une production locale. Et le secteur financier. Quatre banques françaises (Natixis, Société générale, BNP et Calyon) ont pignon sur rue en Algérie (d’autres suivent). Les quatre se sont portées d’ailleurs candidates à la reprise du Crédit populaire d’Algérie – la banque des PME – en cours de privatisation. « C’est la preuve que l’on croit dans ce pays, car la banque qui l’emportera – il y a six offres en tout – devra investir en sus 500 millions de dollars », observe un fonctionnaire.

Une sorte de spécialisation semble se dessiner entre investisseurs étrangers. Aux Français, la banque, l’agroalimentaire, la chimie fine et, demain, l’hôtellerie (Accor a des projets). Aux Américains, les hydrocarbures. Et aux Espagnols, qui arrivent en troisième position, l’électronique et la chimie. L’Egypte, active dans les télécommunications et le BTP via des filiales du groupe Orascom, a investi moitié moins que la France sur le marché algérien en 2006. L’Italie, la Grande-Bretagne sont à la traîne.

Mais ce classement pourrait changer. Les Egyptiens projettent, via Orascom, de construire en association avec la compagnie nationale Sonatrach un complexe chimique (1,6 milliard de dollars d’investissement) et une usine de ronds à béton (700 millions de dollars), avec le groupe sidérurgique Izz. L’aménagement de la baie d’Alger – un chantier immobilier gigantesque – pourrait être confié à des investisseurs venus du Golfe, tout comme la construction et l’exploitation d’un complexe d’aluminium (5 milliards de dollars) en association entre l’émirati Dubaï Aluminium et deux entreprises publiques locales.

La Chine, acteur jusqu’ici mineur, connaît une progression étourdissante. En 2006, ses investissements ont crû de 170 %, lui permettant de devancer l’Allemagne. Un groupement d’entreprises du BTP, Citic/CRCC, a gagné le plus important appel d’offres de 2006, 6,9 milliards de dollars pour la construction de deux sections de l’autoroute est-ouest, le plus grand chantier jamais lancé par Alger. Une autre portion a été emportée par le japonais Cojaal, pour 5,9 milliards de dollars.

A défaut de conclure un traité d’amitié, la France et l’Algérie devraient signer dans le courant de l’été une convention de coopération pour la période 2007-2016.

Premier axe de la convention, l’appui à la « formation du capital humain », le thème le plus important et probablement le mieux doté. Il s’agira pour Paris d’aider à l’amélioration de l’enseignement du français dans le primaire et le secondaire et de favoriser les accords entre universités françaises et algériennes. C’est dans ce cadre que devrait être créée une université franco-algérienne qui fédérera des « pôles d’excellence » dont certains existent déjà. Un autre volet de ce premier axe concernera la formation des cadres moyens et supérieurs algériens.

Deuxième axe, l’aide au secteur productif. Outre un appui aux entreprises françaises qui souhaitent investir en Algérie, il s’agira d’appuyer la modernisation de l’action des administrations algériennes dans des domaines-clés : BTP, agriculture, transports.

Troisième axe, l’appui à la gouvernance. Paris voudrait en particulier développer la coopération décentralisée. Des liens ont été noués entre des villes françaises et algériennes, mais ces accords se heurtent à la culture jacobine de l’Algérie, héritée de la colonisation : les administrations locales disposent d’une marge de liberté très réduite.

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